On parlait la semaine dernière de s’adapter au changement. Qu’en est-il lors de catastrophes naturelles ? Fin novembre, j’ai eu la chance de passer quelques jours dans mon pays de coeur, l’Islande. Je suis retournée sur la petite île Heimaey, la seule habitée dans l’archipel des îles Vestmann au large des côtes méridionales islandaises.

Grimper sur le volcan Eldfell, faisant face à l’Helgafell : Le volcan de toutes les choquottes, réveillé en 73 après 6000 ans de sommeil. 

En faisant l’ascension d’un de ces deux petits volcans il y a 2 ans, je suis tombée sur des plaques commémoratives ramenant à cette fameuse éruption de 1973. Je n’ai connu les circonstances précises  de cette éruption qu’à mon retour, le mois dernier, après avoir interrogé un homme d’église.

S’improviser journaliste et s’instruire des locaux

Marcher au culot. Ca fait partie des travers d’une dominante Mercure (et c’est mon cas). Nous sommes tombées mon amie et moi en pleine cérémonie religieuse pendant un enterrement quand j’ai voulu visiter l’église d’Heimaey (l’Heimaey Stave Church). Vingt minutes plus tard, après avoir fait le tour du cimetière, nous revenons devant la grande porte : fermée. Un type en sort : je lui demande gentiment si l’on peut rentrer dans l’église afin de visiter. Il ne me répond pas et demande dans sa langue à un autre bonhomme sortant à son tour du sanctuaire. Celui-ci nous informe qu’il va rallumer les lumières juste pour nous. Il nous invite à entrer et ainsi pleine de gratitudes et d’indiscrétion, je l’arrose sans interruption de questions. Il m’indique que cette Eglise est la troisième plus vieille d’Islande. Toujours très sommaire en terme de déco et d’ornements, à l’image des intérieurs nordiques. Sans fioritures. Un plafond en bois vernis constellé d’étoiles peintes, un orgue, un autel et un lustre, des bancs. Il abreuve ma curiosité en acceptant de me racontant les scènes sculptées dans la porte de l’Eglise, et m’évoque un épisode dont je n’avais aucune connaissance. Il s’agit des invasions ottomanes de 1627. Des villes du Sud de l’île-mère furent pillées (Heimaey fût également touchée). Entre 400 et 900 islandais furent enlevés et réduits en Esclavage

Parler d’un événement dévastateur avec délicatesse.

J’en viens à lui parler de l’éruption de 73. « En 73, j’avais 10 ans » me dit-il. Le regard embué, il m’expliqua son trouble, son véritable traumatisme devant la destruction de l’île et l’urgence de devoir évacuer. Il me dit qu’à son retour, tout avait changé. L’île de son enfance, la Terre de sa naissance s’était métamorphosée en profondeur. Et il ne croyait pas si bien dire. Environ 300 bâtiments détruits, des conserveries de poissons, et une centaine d’habitations ensevelies. L’île s’est trouvée agrandie de 2,2km2 supplémentaires. On est passé à deux doigts de la catastrophe économique. L’éruption qui a duré 5 mois a manqué de  détruire le port, ressource primordiale des habitants de l’île (misant principalement sur la pêche)

Des habitations piégées sous la cendre, comme des mouches dans l’ambre.

Au cours de la conversation, il nous raconta qu’une femme ayant dû évacuer comme les autres, cette fameuse nuit, n’a pu retourner dans sa maison que 40 ans plus tard. Enterrée sous 15 mètres de pierres de lave, de téphras, elle a retrouvé sa maison plus ou moins intacte, les artéfacts à l’intérieur n’avaient pas bougé. Hormis les vitres explosées et la suie partout, les gravas si l’on peut dire, la maison était restée figée, prisonnière du passé. 

Eldheimar : muséum du souvenir de l’éruption et ses conséquences

L’homme d’église nous invita à aller parcourir le musée dédié à l’éruption, très complet selon lui. Nous partîmes directement, dans la nuit tombante et le vîmes de loin. Une grande structure rectangulaire moderne :  « Eldheimar », c’est son nom. En grimpant jusqu’au musée, on tombe déjà nez à nez avec cette petite maison partiellement dégagée de ses téphras. On distingue des détails de l’intérieur. Avec mon amie, nous avons pensé qu’il s’agissait de la maison évoquée par l’homme islandais.

Le coeur du musée est un foyer désert.

En rentrant dans le musée, nous découvrîmes que la structure du lieu était en fait bâtie tout autour d’une maison qui avait été presque complètement dégagée de ses débris. C’est de celle-ci dont parlait l’homme islandais. Dans la cuisine, on voyait des boîtes en métal sur les étagères contenant sans doute des biscuits ou des légumes secs. Sur la gazière, trônait toujours la vieille bouilloire. Dans la salle de bain, un fer à lisser, un peigne et d’autres objets du quotidien se laissaient deviner entre les pierres de lave. 

Les souvenirs sont tout ce qu’il nous reste. Ils répondent partiellement à la question : D’où venons-nous ? Quand il n’y a plus de souvenirs, la filiation disparait. Nous devenons orphelins. 

La nostalgique que je suis a eu une boule dans la gorge pendant toute la visite. Rassurez-vous les pertes humaines restent moindres. Pour une éruption de 5 mois, nous aurions pu nous attendre à pire. Seulement 1 personne a trouvé la mort dans ce drame. Toute l’exposition est ponctuée de témoignages des habitants. Comment d’une minute à l’autre, en pleine nuit et en regardant par la fenêtre de leur maison, ils ont vu se dresser à perte de vue des colonnes de feu, « des fontaines de lave » exactement. J’étais très émue d’entendre ces gens se remémorer l’événement. « Il fallait tout abandonner. Un manteau par dessus les pyjamas des enfants, de la nourriture pour le chien et des biberons pour le petit et hop, on fuit la mort. On laisse tout derrière nous (l’argent, les bijoux, les vêtements, les souvenirs). »

Photo de l’expo, à l’Eldheimar

L’éruption de 73 aurait pu être détectée. 

Pour beaucoup d’islandais vivant sur l’île-mère, Heimaey était un lieu de villégiature un peu comme l’est Saint-Tropez, Monaco, ou le Cap Ferret chez nous. Le grand Air et la convivialité se trouvaient à 30 minutes de traversée en bateau. Mais pour 5000 d’entre eux, il s’agissait de leur résidence principale

Les signes avant-coureurs, secousses sismiques entre autres (2 jours avant l’explosion) n’avaient pas été pris en compte. L’époque était encore flageolante en termes d’études sismologiques ; nous sommes au début des années 70, rappelons-le. L’évacuation de l’île aurait pu se faire dans le calme, loin de la précipitation avant que le magma en fusion déchire la terre et en recouvre de ses coulées toute la surface transformant la cartographie du territoire. Cependant, même dans le rush et la panique, l’évacuation fût exemplaire et très organisée.

“Set up camp somewhere else, start over finally.”

Tous les témoins s’accordaient sur le fait qu’avoir perdu la totalité de leurs souvenirs était ce qu’il pouvait y avoir de pire après le trépas. Pour certains, c’était 40 ans de photos, l’héritage familial, les meubles des anciens, les doudous des enfants qui partaient en fumée. De nombreuses familles, après la catastrophe et la reconstruction des habitations ont décidé qu’elles préféraient ne pas y retourner, rester sur l’île principale, non par peur que cela recommence mais parce que revenir aurait été bien trop douloureux. Il fallait tourner la page. Aujourd’hui la population d’Heimaey s’élève à environ 4000 individus.

Peu après l’éruption.  Source : Google

Heimaey porte très peu de stigmates de l’éruption.

Aujourd’hui, l’île est un véritable havre de paix. L’éruption a fertilisé la terre, permis à l’île de prendre de l’ampleur. On peut observer les orques en pleine mer, partir à la recherche des macareux nichant à flancs de falaise, voir les Fous de Bassan fendre l’eau pour pêcher le repas du midi. Il y a un golf exceptionnel donnant une vue imprenable sur toute l’île et sur les ilots alentours notamment Surtsey (île elle-même née en 1963 d’une éruption sous-marine). On peut y faire de superbes randonnées, prendre du temps pour soi, tout simplement. On estime qu’encore 8 maisons restent ensevelies. Au-delà de ça, les façades ont récupéré leur blanc pur ou leurs toitures aux couleurs éclatantes. Et l’île bénéficie de l’activité géothermique ambiante pour se chauffer. La vie a repris son cours. 

Heimaey, août 2016

Pourquoi un billet sur une éruption volcanique ?

Il me tenait à coeur d’écrire à ce sujet, premièrement parce que ce pays coule dans mes veines. Les catastrophes naturelles ont ceci d’effrayant, de complètement « out of control ». Elles mettent la puissance de l’univers au-dessus de tout. Elles rétablissent l’équilibre. Derrière toute la misère qui survient après un tel drame : pertes humaines, matérielles, endettement, ou pénuries d’eau, de nourriture, que sais-je, il y aussi  ces élans de solidarité extraordinaires. Forcés de collaborer ensemble et de s’unir dans l’effort, chaque coup de pelle compte et le travail a dû être colossal pour remettre d’aplomb l’île. A noter en parlant de solidarité que la Norvège et la Suède ont gracieusement offert de nombreuses petites maisons préfabriquées au peuple islandais afin de remplacer rapidement les habitats manquants.

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