
Le rituel a commencé
Entrer dans l’Univers du Manoir
J’ai travaillé et joué (la dernière est ce soir) pour la saison d’Halloween au Manoir de Paris, sorte de gigantesque maison hantée de qualité supérieure avec : 40 personnages, 3 étages de salles à visiter (ravivant les plus profondes angoisses), des univers glauques, des effets spéciaux ultra soignés, des costumes, des maquillages, des décors et des ambiances à couper le souffle. Cette saison, complètement épuisante, mais riche de nouvelles rencontres, m’a permis de m’interroger sur la peur et la violence qui en découle.
Flirter avec ses limites
Pour que vous compreniez, un temps soit peu ce que j’évoque, sachez bien que nous avons des spectateurs qui d’une minute à l’autre, décident que la pression est trop forte pour eux et demandent à mettre un terme à leur expérience (aux chiottes les 27euros qu’ils ont dépensés pour ce tour). Ils se font alors sortir du circuit par des portes dérobées, pour limiter la casse et stopper la montée de leur terreur. Nous avons des spectateurs qui, étouffés et noués par la peur, vomissent dans les salles, pleurent toutes les larmes de leur corps, crient, hurlent, se jettent au sol et implore, par pitié, qu’on les laisse tranquilles.
Une grande partie d’entre eux ne fait plus la différence entre réalité et fiction.
Ils pensent que si nous les « attaquons », c’est « pour de vrai » : en nous rapprochant au plus près de leur visage, en leur courant après avec une tronçonneuse dépourvue de chaîne mais embaumant bien l’essence, en leur disant qu’ils vont « mourir » ou que ce sont des « lâches », ils le prennent pour argent comptant, le croient et répliquent, vexés, par des insultes, de la violence. Certains oublient littéralement que vous êtes humains et non objets, et vous touchent, vous attrapent, vous repoussent, juste parce que ça les amuse. Alors qu’il leur est bien précisé en début de parcours que ça leur est formellement interdit.
L’arroseur arrosé
Dans l’un des deux rôles que j’ai joué sur cette saison, j’évoluais dans une salle recouvertes de prothèses de jambes et de bras. L’une des spectatrices, pétrifiée que je la menace « en jeu » et voulant amuser sa bande de copines s’est littéralement saisie d’une des jambes et me l’a mise dans la figure. Un de mes camarades qui jouait un prêtre sur des échasses, au bord d’un escalier s’est fait pousser – et a dégringolé dans les marches -, par un gamin qui flippait un peu trop et qui voulait montrer qu’il ne fallait pas « jouer » avec lui.
La peur les ramène à des instincts très primaires où l’attaque est la seule défense envisagée. Ils ne distinguent plus rien. Ils oublient le cadre, ils oublient qu’ils ont payé un billet d’entrée pour se faire un peu malmener et laisser monter l’adrénaline. Ils oublient leurs manières, leur éducation, et vous assimilent à un ennemi. Ils vous toisent, vous titillent, et cherchent à vous faire sortir de vos gonds.
Les gens ne savent plus jouer
C’est terriblement désolant et dommage. A tous les excités désagréables et mauvais joueurs, je préfère cent fois les spectateurs qui font le tour en quatrième vitesse, la tête enfoncée dans leur capuche, à fixer la nuque de la personne devant eux pour ne pas se laisser distraire et happer par leur effroi.
Je me suis dit que le Manoir était sans doute une belle allégorie du monde d’aujourd’hui, au microscope. Un monde où dans le doute, on cède à la violence, juste pour être certains de ne pas se faire avoir, de ne pas être en position d’infériorité. Un monde où on dit « j’te baise » avant même d’avoir esquissé un « bonjour », juste pour que tu saches où es ta place et que tu ne la remettes pas en question.
Un prétexte pour céder à la violence
La Peur est un moteur de survie, on est d’accord. Mais quand dans un lieu protégé, elle déclenche de la brutalité, de la virulence, là, je dis non. Je pense que certains usent de cette opportunité pour lâcher les chiens de leur agressivité intérieure. Je pense que beaucoup d’entre eux en ont gros sur la patate et trop peu de façons de rediriger sainement leur fougue vers des défouloirs raisonnables.
A mon avis, les rapports humains n’ont pas fini de révéler leur lot de malice, de frénésie malfaisante. Je pense qu’éternellement, comme des clans, des meutes, nous n’avons pas fini de nous mesurer, de nous regarder avec mépris, par prévention, de nous évaluer avec le plus grand dédain. Ca m’attriste un tout petit peu. Puis je me rappelle, que se suivent inlassablement des cycles de création, de destruction, d’apprentissage des erreurs et ainsi va la vie !
C’est fou quand même… je n’aurais pas apprécié ce genre de réactions non plus…
Belle soirée
Merci à toi !
C’est dingue qu’une simple attraction puissent créer des réactions pareils! oO
C’est parce que c’est justement très immersif sans doute !
Ah ça, quand j’y ai été il y en a qui parlait un peu trop pour faire les rigolos, c’est vrai que rien que ça ce n’est pas agréable, ni pour les acteurs ni pour le reste des gens! Mais c’est vraiment top ^^
AAAH tu es venue ! Contente que ça t’ait plu !
J’ai toujours voulu “visiter” ce manoir une fois, ça a l’air complètement fou comme expérience ! Par contre, c’est vrai que c’est dommage que certaines personnes aient de mauvaises réactions et oublient que c’est pour de faux… J’espère juste que ça ne décourage pas les acteurs… D’un autre côté, ça veut dire que c’est vraiment réussi 🙂
Pour tout te dire, si, ça décourage les acteurs. 😉 Mais on se soutient entre nous. On se raconte les groupes horribles qu’on a eu et on passe à autre chose ! ^^ Merci de ta visite en tout cas !
Je parcourais ton blog, et je trouve très déroutant que tu sois comédienne au manoir de paris. Mais je te rejoins, les gens sont là parce qu’ils le veulent et savent bien que c’est faux. Si c’est trop pénible, on sort, on évite de s’en prendre aux comédiens. Les instincts primaires déclenchent des réactions pas tjs jolies. Perso je ne suis pas en phase avec l’idée du manoir, ça m’a plu un peu moyen mais j’admire les comédiens, le décor, et l’idée même de ce grand spectacle !
Bonjour Aurore, merci de ta visite ! Et question rapide : Pourquoi trouves-tu déroutant que j’ai travaillé au Manoir ? Étant donné que mon métier principal est celui de comédienne ? 🙂